" Une croissance sans joie "
L'EXPANSION
Interview du
Père Henri Madelin
Rédacteur en chef de la revue Etudes
Extraits
Henri Madelin : Nous sommes entrés dans une société de l'éphémère. Invités au "sacre du présent", nous sommes tournés vers la satisfaction fragile et frustrante de l'instant. Les hommes politiques ont du mal à traiter de l'avenir, à donner des repères de plus long terme....
Les Eglises officielles paient sans doute pour leur longue domination sur les mentalités européennes, une domination qui s'est poursuivie jusqu'au XXème siècle. Mais aujourd'hui, dans le débat entre l'Etat, les Eglises et la conscience, on ne sait pas qui sortira vainqueur demain. La politique n'est pas spécialement bien placée dans cette bataille. Et la laïcité a perdu son adversaire d'antan, désormais sur d'autres terrains. Quand les institutions religieuses sont affaiblies, les repères ancestraux s'effacent. Le plus nouveau, c'est que les Eglises sont en train de passer du côté du principe de liberté, alors que l'Etat a encore bien du mal à accepter l'idée de ne plus tout régenter.
Les sociétés européennes ne sont pas devenues païennes pour autant, mais l'individualisme domine. Pas d'appartenance forte, pas d'engagement durable. Ainsi, les gens sont à la recherche de religions " sympas ", qui leur évitent de se confronter à des dogmes ; à la limite, elles vous dispensent de vous inquiéter de Dieu, comme dans le bouddhisme. Demeure pourtant la question ineffaçable de l'existence de Dieu et de la vie avant et après la mort. La tâche est de structurer à nouveau chaque individu de l'intérieur. Les Eglises ont tout un trésor pour le faire Elles ne sont pas dans l'irrationalité, ni à côté de la société. Le catholicisme a des déficits, mais il tient des clés pour faire entrer chacun dans ses grandes symboliques existentielles. Le pape circule dans le monde, il n'est plus enfermé à Rome !
Propos recueillis par Patrick Coquidé et Vicent Giret
L'Expansion, numéro 64, du 15 ou 28 mars 2001.