Opened on Pentecost Sunday 1996 When we have to face an A-DIEU...
If it should happen one day - and it could be today -
that I become a victim of the terrorism
which now seems ready to engulf
all the foreigners living in Algeria,
I would like my community, my Church, my family,
to remember that my life was given to God and to this country.
I ask them to accept that the Sole Master of all life
was not a stranger to this brutal departure.
I ask them to pray for me:
for how could I be found worthy of such an offering?
I ask them to be able to link this death with the many other deaths
which were just as violent, but forgotten through indifference and anonymity.
My life has no more value than any other.
Nor any less value.
In any case, it has not the innocence of childhood.
I have lived long enough to know
that I am an accomplice in the evil
which seems, alas, to prevail in the world,
even in that which would strike me blindly.
I should like, when the time comes,
to have the moment of lucidity
which would allow me to beg forgiveness of God
and of all my fellow human beings,
and at the same time to forgive with all my heart
the one who would strike me down.
I could not desire such a death.
It seems to me important to state this.
I do not see, in fact, how I could rejoice
if this people I love were to be accused indiscriminately of my murder.
To owe it to an Algerian, whoever he may be,
would be too high a price to pay for what will, perhaps, be called "the grace of
martyrdom",
especially if he says he is acting in fidelity to what he believes to be Islam.
I am aware of the scorn which can be heaped on Algerians indiscriminately.
I am also aware of the caricature of Islam which a certain islamism encourages.
It is too easy to salve one's conscience
by identifying this religious way with the fundamentalist ideologies of its extremists.
For me, Algeria and Islam are something different:
they are a body and a soul.
I have proclaimed this often enough, I believe,
in the sure knowledge of what I have received from it,
finding there so often that true strand of the Gospel
learnt at my mother's knee, my very first Church,
in Algeria itself, and already inspired
with respect for muslim believers.
My death, clearly, will appear to justify
those who hastily judged me naïve, or idealistic:
"Let him tell us now what he thinks of it!"
But these people must realise
that my most avid curiosity will then be satisfied.
This is what I shall be able to do, if God wills --
immerse my gaze in that of the Father,
and contemplate with him
his children of Islam just as he sees them,
all shining with the glory of Christ,
the fruit of his Passion, and filled with the Gift of the Spirit,
whose secret joy will always be to establish communion
and to refashion the likeness, playfully delighting in the differences.
For this life lost, totally mine and totally theirs,
I thank God who seems to have willed it entirely
for the sake of that joy in everything
and in spite of everything.
In this thank you, which sums up my whole life from now on,
I certainly include you, friends of yesterday and today,
and you, my friends of this place,
along with my mother and father,
my sisters and brothers and their families --
the hundredfold granted as was promised!
And also you, the friend of my final moment,
who would not be aware of what you were doing.
Yes, I also say this thank you and this "A-Dieu" to you
in whom I see the face of God.
And may we find each other, happy good thieves in Paradise,
if it pleases God, the Father of us both..
Amen ! Insha 'Allah !
Algiers, 1st December 1993
Tibhirine, 1st January 1994
Christian + |
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ouvert le dimanche de Pentecôte 1996Quand
un A-DIEU s'envisage...
S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui -
d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant
tous les étrangers vivant en Algérie,
j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille,
se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie
ne saurait être étranger à ce départ brutal.
Qu'ils prient pour moi :
comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ?
Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes
laissées dans l'indifférence de l'anonymat.
Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre.
Elle n'en a pas moins non plus.
En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance.
J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal
qui semble, hélas, prévaloir dans le monde,
et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.
J'aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité
qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu
et celui de mes frères en humanité,
en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m'aurait atteint.
Je ne saurais souhaiter une telle mort.
Il me paraît important de le professer.
Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir
que ce peuple que j'aime soit indistinctement accusé de mon meurtre.
C'est trop cher payé ce qu'on appellera, peut-être, la "grâce du martyre"
que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit,
surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam. Je sais le
mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain idéalisme.
Il est trop facile de se donner bonne conscience
en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme.
Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu,
y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile
appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église,
précisément en Algérie, et déjà, dans le respect des croyants musulmans.
Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison
à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste :
"qu'Il dise maintenant ce qu'Il en pense !".
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.
Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu,
plonger mon regard dans celui du Père
pour contempler avec lui Ses enfants de l'Islam
tels qu'ils les voient, tout illuminés de la gloire du Christ,
fruit de Sa Passion, investis par le Don de l'Esprit
dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion
et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.
Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur,
je rends grâce à Dieu qui semble l'avoir voulue tout entière
pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.
Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie,
je vous inclus bien sûr, amis d'hier et d'aujourd'hui,
et vous, ô amis d'ici,
aux côtés de ma mère et de mon père, de mes soeurs et de mes frères et des leurs,
centuple accordé comme il était promis !
Et toi aussi, l'ami de la dernière minute, qui n'aura pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet "A-DIEU" en-visagé de toi.
Et qu'il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux,
en paradis, s'il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. AMEN !
Insha 'Allah !
Alger, 1er décembre 1993
Tibhirine, 1er janvier 1994
Christian |