"Une
vie bouleversée" |
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[...]Je crois que je vais le faire : tous les matins, avant de me mettre au travail, me "tourner vers l'intérieur", rester une demi-heure à l'écoute de moi-même. | ||||
"Rentrer en moi-même." | ||||
Je pourrais dire aussi : méditer. Mais le mot m'horripile encore un peu. | ||||
Oui, pourquoi pas : une demi-heure de paix en soi-même. | ||||
On agite bien bras, jambes et autres muscles le matin dans la salle de bains : mais cela ne suffit pas. | ||||
L'homme est corps et esprit. | ||||
Une demi-heure de gymnastique et une demi-heure de "méditation" peuvent fournir une bonne base de concentration pour toute une journée. | ||||
Mais une "heure de paix", ce n'est pas si simple. Cela s'apprend. Il faudrait effacer de l'intérieur tout le petit fatras bassement humain, toutes les fioritures. Une petite tête comme la mienne est toujours bourrée d'inquiétude pour rien du tout. Il y a aussi des sentiments et des pensées qui vous élèvent et vous libèrent, mais le fatras s'insinue partout. | ||||
Créer au-dedans de soi une grande et vaste plaine, débarrassée des broussailles sournoises qui vous bouchent la vue, ce devrait être le but de la méditation. | ||||
Faire entrer un peu de "Dieu" en soi, comme il y a un peu de "Dieu" dans la Neuvième de Beethoven. | ||||
Faire entrer aussi un peu d' "Amour" en soi, pas de
cet amour de luxe à la demi-heure dont tu fais tes délices, fière de l'élévation de
tes sentiments, mais d'un amour utilisable dans la modeste pratique quotidienne. [...]. in Journal 1941-1943. |
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[...] Ce qui importe, en effet, ce n'est pas de rester en vie
coûte que coûte, mais comment l'on reste en vie. [...] in Lettres de Westerbork. Amsterdam, decembre 42. |
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Etty Hillesum part le 7 septembre 1943 du camp de transit de Westerbork et meurt gazée à Auschwitz le 30 novembre 1943. | ||||