LE JUSTE EQUILIBRE
La méditation est conseillée par les sages Bouddhistes dans un esprit de compassion. Sa première fonction est d'éliminer les angoisses et les peurs que les hommes affligés de souffrance sont dans l'incapacité d'éviter. Le point de vue Bouddhiste considère que nos souffrances dépendent d'abord de nous mêmes. Nous voyons le monde extérieur selon ce que nous sommes. Ainsi le bonheur ne peut venir que d'un travail intérieur sur soi.
Lorsque nous abandonnons une vaine poursuite extérieure de notre bonheur il faut trouver un guide. La rencontre de cet instructeur doit être habitée d'une vive aspiration à se prendre en charge soi même et à méditer. L'émotion ressentie doit alors être celle de la joie à l'idée de cette perspective. L'apprentissage de la relaxation pourra être une excellente introduction en apprenant à quitter nos distractions et nos stress quotidiens. L'agitation du corps et du mental favorise toutes les pathologies.
Le mental doit être apaisé, établi dans le présent lucide et calme, sans se parler à soi même avec un corps lui aussi silencieux. A cette étape de pacification mentale on peut utiliser des visualisations, la concentration sur un objet ou sur notre respiration, et/ou l'esprit large et vaste sans distraction. Il ne faut pas espérer faire une bonne méditation ni la juger (+/-) une fois faite: la seule chose importante est de méditer. Il faut débuter par de courtes séances maximum 10 à 15 mn dans un lieu calme et une posture si possible la même à chaque fois, adamantine ou du bodhisattva.
En persévérant la réponse de relaxation sera de plus en plus facilement obtenue: c'est alors que l'on pourra travailler avec plus de fermeté et de stabilité. Pour éviter la somnolence habituelle de toute relaxation il est indispensable de renforcer la vigilance dans un juste équilibre. L'entraînement permet de devenir moins dépendant des circonstances extérieures. Expérimenter dans le silence intérieur la vraie nature de notre âme et de notre esprit aura pour principal effet de nous rendre moins vulnérable aux stress extérieurs.
Le fruit ultime de la méditation est l'obtention du Parfait Eveil appelé l'Etat de Bouddha. Dans cet état se découvre le vrai pouvoir d'aimer et d'aider autrui. Dans la méditation nous orientons notre âme en développant la pensée d'obtenir l'Eveil pour le bien de tous les êtres. Une fois l'Eveil atteint le bien pourra être accompli sans qu'il y ait d'intention partiale ni d'effort mais en pleine conscience. Des exercices dits de vision supérieure visent à déraciner notre saisie égocentrique. Elle produit les poisons mentaux que sont l'attachement, l'aversion, l'opacité mentale, la jalousie, l'orgueil, et ainsi demeure le fondement du cycle des existences pour les Bouddhistes. La causalité karmique en est le principe : qui crée la souffrance imprime en son propre tréfonds un potentiel de souffrance, qui crée le bonheur imprime un potentiel de bonheur.
On croit souvent à tord que le fruit de la méditation serait le vide et ne plus avoir de pensées. Comme Epictète l'exprimait déjà il faut que nos pensées cessent de nous nuire et la méditation dans cette finalité ne sera pas une absence de pensées. Ainsi une approche saine des pensées conditionne une bonne méditation. Dans cette disponibilité et vigilance nous restons ouvert à nous-même tel que nous sommes sans distraction et sans tension et surtout pas une non-distraction forcée. La concentration mentale se fait selon les affinités de chacun avec ou sans support grâce à l'instruction d'un guide. Quoiqu'il en soit l'état de méditation est déjà en nous mais sans une aide nous sommes incapable de le rendre opératoire.
Au terme d'une méditation qui pacifie l'esprit il devient possible de comprendre et d'investiguer celui-ci. La méditation doit avant cette étape s'accompagner d'un profond sentiment de liberté avec une vigilance protégeant d'une détente exagérée qui inclinerait l'esprit à la distraction. S'il est possible de localiser les émotions lors de la pacification du mental il devient impossible de localiser l'esprit calme. Nous sommes alors certain de l'existence d'un sentiment d'être. Il y a incapacité à décrire cet esprit calme.
Régularité et persévérance sont indispensables pour que la méditation devienne véritable. Il n'est pas concevable d'arrêter de prendre un remède avant la guérison. L'entraînement rudimentaire est surtout de bien gérer les émotions qui animent notre stress quotidien. Le remède n'est certainement pas de les refouler. Le caractère pénible d'une pensée ou d'une émotion vient de ce que nous nous y assimilons. Entraînons-nous à les reconnaître sans nous y attacher.
L'ignorance source du malheur se trouve effacée petit à petit par la connaissance issue de la méditation. Déterminer d'où viennent, ou demeurent et ou vont les pensées d'un point de vue intellectuel est insuffisant voire stérile. Seule la pratique méditante mène à la connaissance source de bonheur. La pensée dichotomique-dualiste vient de l'ignorance. Notre esprit duel est à la fois ignorance et connaissance. L'expression de la connaissance se fera très progressivement et se révèle par des vertus plus fortes ou nouvelles telle la foi et la compassion.
La progression du Bodhisattva, comme de tous les êtres au cours de leur existence, "humaines, animales ou divines", impose la pratique, portée à l'extrême perfection, de dix vertus (pâramitâ) considérées comme essentielles dont la méditation peut faire partie. Dans le Mahâyâna (Grand Véhicule ) le don et la pratique morale ont la même importance. Le don a une importance exceptionnelle liée à la fois à la qualité du donneur et à celle du bénéficiaire, à la valeur de l'intention et au fait que le summum du don affranchit de tout attachement. Suivent les vertus de patience, énergie et sapience puis la méditation, la maîtrise des moyens, la résolution, la force morale et la connaissance.
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"Croyant de foi"