Vie de Marcel Légaut,
1900 | 1990 |
"A mon sens, la grande chose maintenant c'est ( ), de comprendre soi-même d'abord, et de faire comprendre aux autres ce que Jésus a eu à vivre il y a vingt siècles, ( )."
"Désormais c'est en découvrant personnellement le sens de sa vie que l'homme peut faire l'approche du mystère de Dieu..."
Marcel Légaut (1900-1990), ancien normalien, professeur de mathématiques, qui a abandonné à quarante ans sa situation d'universitaire pour vivre en paysan montagnard, est resté toute sa vie un chercheur. Son oeuvre offre le témoignage d'une expérience hors du commun et ouvre le lecteur sur des possibilités renouvelées de vie spirituelle dans le siècle qui vient.
Professeur d'université à Rennes puis à Lyon, il a d'abord animé de nombreux groupes spirituels dans le monde universitaire, dans une période de sa vie marquée par des rencontres décisives: celles du père Portal, de Gabriel Marcel, de Teilhard de Chardin (revue du net), d'Edouard Le Roy...
L'expérience de la guerre va le marquer profondément: elle lui montre combien les intellectuels, comme lui, peuvent être désarmés quand ils sont confrontés aux réalités cruelles de la vie. A quarante ans, l'appel à l'intériorité et à la vie spirituelle pousse Marcel Légaut à abandonner l'existence protégée de l'universitaire. Il se marie et le couple décide de vivre l'existence de paysans montagnards dans une ferme isolée du Haut-Diois. Pendant l'occupation ils accueillent juifs, réfractaires S.T.O., alsaciens déserteurs. Légaut joint alors à ses tâches de cultivateur et de berger celles de père de famille (ils auront six enfants), poursuivant une activité spirituelle exigeante, parfois avec des amis dans son hameau des Granges à Lesches, puis au temps de sa retraite, à Mirmande, au siège de l'Association culturelle qui porte aujourd'hui son nom, lieu de séjours spirituels.
Marcel Légaut a porté son Eglise douloureusement mais dans l'espérance. Après vingt années de fidélité silencieuse, Marcel Légaut a perçu la nécéssité de dire ce qu'il vivait et d'en témoigner: alors va se développer son oeuvre qui reflète l'itinéraire atypique d'un homme libre :
Etre fidèle à l'appel qui monte en soi vers plus d'humanité, c'est la démarche initiale du spirituel en quète de l'essentiel. Elle permet en effet d'approcher le mystère que chacun est à soi-même, le mystère de l'autre, et le mystère de Dieu.
Quelques dates de la vie de Marcel Légaut engagé sur les évènements de son temps :
En 1936 il écrit son accord à Maurice Zundel qui avait publié un manifeste de soutien au front populaire.
Le 30 novembre 1940 il participe à une rencontre avec Lacroix, Beuve Méry, Gabriel Marcel, le P. Fessard ( "Mounier et sa génération" page 271).
Dans le Monde du 21 avril 1989 il publie "UN CATHOLIQUE A SON EGLISE" et reçoit 2500 réponses, dont 800 lettres répertoriées et classées par Xavier Huot auxquelles il a répondu à chacune.
Les amis de Marcel Légaut ont crée l'association Marcel Légaut qui a la responsabilité de la diffusion de ses ouvrages et de sa pensée. L'Association culturelle Marcel Légaut rassemble des personnes qui ont été éveillées à la vie spirituelle ou confortées dans leur quête religieuse grâce à l'influence de Marcel Légaut.
Le lieu traditionnel de rencontre est celui qui les rassemblait déjà du vivant
de Marcel Légaut à
La Magnanerie, 26270 Mirmande,
Contact/intendance: Olivier Ogier, tél: 04 75 63 10 83 ou 04 75 63 09 79.
Association/Revue "Quelques Nouvelles" 12 chemin du Vieux Château 42390
Villars.
Tél/fax 04 77 93 47 24
Rencontre au Carmel de la Paix, Mazille, inf.: Antoine et Marie Louise Girin 04 77 93 47
24.
Ce chrétien du XXème siècle constate que "les bases sur lesquelles, dans la société d'hier, on fondait solidement et on bâtissait avec minutie l'édifice théologique qui expliquait la raison d'être du Monde et la présence des hommes sont maintenant ébranlées sans remède."
".... je me suis mis à écrire les livres qui depuis 1971 ont changé ma vie en me faisant sortir de ma ferme. J'ai voulu à cette époque écrire pour moi, ce que je vivais de ma foi de chrétien, pour être au clair sur moi-même, pour vivre ainsi de cette foi plus réellement. ... Cet effort je l'ai mené pendant huit ans, grandement aidé par des amis très chers qui m'ont un peu appris ce français pour lequel j'avais le plus profond mépris pendant ma jeunesse de mathématicien... . Ecrire pour que les hommes cultivés du XXe siècle puissent croire en Jésus, à l'Eglise en respectant toutes les exigences d'une intellectualité saine, vécue dans l'authenticité autant que cela se peut humainement, pour qu'ils puissent être chrétiens sans mimer les siècles passés et ainsi sans se fausser spirituellement..."
Marcel Légaut.
Marcel Légaut n'avait pas peur de dire qu'il ne savait pas...A la fécondité de la réflexion de Marcel Légaut répond l'authenticité de ses années de solitude dans les montagnes Drômoises. Alors que nos paroles sont souvent grimées par nos egos, Marcel Légaut avait pu grâce à sa solitude rurale trouver la parole authentique.
Il n'aimait pas, d'abord, le mot : "retour à la terre". A quelqu'un qui avait voulu le contacter à ce sujet, un parisien, qui revenait à la terre, il disait : ne faites surtout pas de romantisme ! Le retour à la terre, c'est... de ces légendes qui sont coriaces et dont on revient !
Père Froment.
Marcel Légaut vécu un engagement réel au sein de la communauté paysanne voisine
"Quelle histoire est la mienne, semblable à toutes les autres, mais encore différente, là par où elle est mienne. Petite chose qui tient dans le creux d'une main, mais précieuse et qui n'est plus du temps, digne d'étonnement et d'émerveillement. Devant elle, je m'agenouille, car elle est la demeure d'une Présence que, seule, l'adoration atteint."
Marcel Légaut.
"Nécéssité de l'obéissance de fidélité et de l'adhésion de foi pour viser à l'authenticité sans laquelle il n'y a pas de vie spirituelle véritable...
L'homme pour grandir dans son humanité ne peut se dispenser de s'ouvrir et de correspondre à des exigences intimes qui lui sont propres mais que la loi ne saurait en aucune manière lui préciser, bien qu'elle soit en mesure de le préparer indirectement à les découvrir et à s'y soumettre par l'obéissance qu'elle requiert dans les conditions ordinaires de la vie.
De même, l'homme ne peut pas non plus se dispenser de s'approprier la doctrine. Autrement, quoi qu'il en pense, il ne fait que s'en vêtir, il ne s'en nourrit pas. Jamais celle-ci, même après qu'il en a reçu la connaissance, ne saurait être directement un aliment spirituel pour lui sans avoir été auparavant redécouverte par lui d'une manière qui lui soit propre, et ainsi sans avoir été adaptée par lui à ce qu'il est. Ce travail de redécouverte est aussi une source d'exigences intimes auxquelles, de façon nécessaire, il se doit personnellement de satisfaire, ...
L'obéissance de fidélité et l'adhésion de foi, par l'activité créatrice qu'elles comportent, permettent, en renouvelant l'enseignement et la loi qui furent utiles dans le passé, de les rendre bienfaisants dans le présent."
Marcel Légaut
"Je reste fidèle à l'Eglise car je crois en elle. L'Eglise a les promesses de Jésus. Et l'assurance que Jésus avait en sa mission constitue davantage la base de mon assurance en la perennité de l'Eglise que la confiance que m'inspire la manière dont on la gouverne depuis des siècles. L'Eglise doit survivre à toutes les difficultés qu'elle rencontrera. D'autre part, je pense que l'Eglise ne peut se convertir que par le dedans. Ce n'est pas en bousculant l'Eglise du dehors qu'on peut la changer, mais par un travail secret fait dans la foi, inspiré par le respect et la culture de toutes les exigences de l'intégrité humaine, travail patient, silencieux et s'il le faut douloureuse passion."
"Je pense que l'Eglise est à la fois institution et communion. L'institution est indispensable, mais ce qui est essentiel dans l'Eglise est la communion. L'institution est faite pour faciliter l'existence de la communion et n'est pas une fin en elle-même. La foi en l'Eglise n'implique pas que l'institution ne doit pas changer. Elle implique simplement l'assurance que, quelleque soit la manière dont l'Eglise se présentera dans le Monde, elle restera fidèle à la mission que Jésus lui a confiée parce qu'elle sera conduite plus ou moins rapidement à se convertir. On peut très bien concevoir que l'Eglise de demain soit différente de l'Eglise actuelle comme celle-ci l'est de l'Eglise des temps apostoliques. Cela est même nécessaire et on doit le désirer car le présent et l'avenir des hommes sont extrêmement différents."
Marcel Légaut.
Dépendance ...
"Comment parler de Dieu sans en dire trop ? Comment en dire assez pour
évoquer ce qui, en moi, est la réalité de ce que je vis ? Je dirais, en prenant
conscience de ce que je vis, que je me sens dans une certaine "dépendance",
sans préciser de quoi ou de qui, mais pour moi, la "dépendance" m'apparaît
existentielle en ce sens que je ne peux pas faire tout ce que je veux quand je le veux,
non par manque de technique mais parce que, à certaines heures, l'activité dépasse
l'activité de fabrication et devient activité créatrice. La perception d'une
"présence" dans une activité qui n'est pas "que" de moi comme les
autres révèle que je suis en dépendance. Je ne peux pas avoir cette créativité sans
quelque chose qui ne dépend pas "que" de moi. Cette prise de conscience de la
dépendance m'apparaît le premier point à comprendre pour ne pas parler de Dieu de
façon insensée. Il y a une dépendance. Ce que je deviens n'est pas la simple
conséquence de ce que je fais par ma propre volonté. Cela est, à mon sens, la terre
ferme. Je peux faire un pas supplémentaire, un pas dans la foi. Si je reconnais que
l'action créatrice n'est pas "que" de moi, dans le "que" se trouve la
faille qui me permet d'atteindre une réalité dont je ne peux rien dire d'autre, si ce
n'est qu'elle a pour moi une conséquence capitale pour ce que je deviens et ça je crois
que si on en dit plus, on en dit trop.
Mais si, en plus, j'entre dans l'histoire et dans l'intelligence de cet homme
singulier qu'a été Jésus, de ce qu'il a vécu, il y a alors une autre approche de la
grandeur de l'homme qui n'est pas sans éclairer ma propre grandeur et me fait
reconnaître en Jésus une réalité qui, tout en n'étant pas étrangère à ce que je
peux vivre, va au-delà de ce que je peux atteindre. Jésus nous approche de Dieu mais
sans nommer Dieu, parce que Dieu est impensable. Lorsque nous pensons Dieu, nous le
blasphémons, l'idolâtrons. Dieu n'est pas de notre nature. Il est en dehors de nos
structures de pensée. La notion de "dépendance" ne peut me "dire"
Dieu, encore moins me le prouver mais cette communion est la base qui me permet, à mon
niveau, d'avoir une certaine représentation de Dieu. La représentation est la
conséquence de ce que je vis et non ce que je vis la conséquence de cette
représentation. La distinction est essentielle : l'une est l'expression de la foi,
l'autre adhésion idéologique... Je ne peux vous en dire plus."
Marcel Légaut.
Sa Prière ...
"Ma prière s'est développée en moi à mesure que j'ai été davantage
ouvert à l'intelligence du sens de ma vie, de ce que je devais vivre pour que la vie qui
était mienne de par mon hérédité, mon milieu, ma génération, mérite d'être vécue.
La "mission" est inséparable de la prise de conscience de ce qu'on doit être
pour correspondre à ce qu'on est, pour en être digne et atteindre, peut-on le penser, à
l'Etre. Elle est la réponse à ce qui se fait entendre dans l'intime de manière
impérative soit par des exigences de refus...soit par des appels positifs,... . C'est
dans la mesure où l'on est ainsi saisi au niveau de la mission, que cela soit conscient
ou non, ... que l'on est capable d'être prière, sans même dire des prières. ... .
Jai toujours eu, autant que je puis m'en souvenir, une certaine tendance à prier.
... .
La prière est très positivement liée à la prise de conscience de la mission
personnelle où se trouvent intimement conjuguées l'exacte invention de soi et l'exacte
participation à la vie de l'Eglise. ..."
Marcel Légaut.
Ses Prières ...
La vraie prière...est une activité nécessairement individuelle qui doit
exprimer de façon personnelle, strictement adéquate, ce que chacun est réellement dans
son unité. Chacun ne doit-il pas créer sa prière à l'image de ce qu'il est? ... Pour prier, il faut être présent à Dieu. Pour être présent à
Dieu, il faut l'être à soi-même. Pour atteindre Dieu il faut s'atteindre en soi-même. ...
Voici deux formules de prières qui m'aident à entrer dans le recueillement nécessaire
pour prier.
La première formule essaie de dire l'extrême imbrication de la motion de Dieu et de
l'action de l'homme dans la prière. Parler de Dieu, c'est se parler à soi-même avec des
paroles vraies. Entendre Dieu, c'est s'entendre soi-même dire des paroles vraies.
- La parole
qui s'efforce de dire exactement
ce que j'atteins de Dieu
malgré une ignorance invincible, de nature;
ce que j'espère de Lui
malgré l'ordre transcendant qui le sépare de moi;
ce que j'aspire à être
par ce qui est le plus authentique en moi-même;
ce que j'atteins de moi
quand je suis à moi-même dans le lucidité
est la seule prière
dans le langage de l'homme, qui soit langage pour Dieu.
- L'adressant à moi-même
dans le recueillement
je me tiens devant Dieu.
- L'adressant à Dieu
je me rends présent
autant qu'il m'est donné.
- Quand je me parle ainsi, Dieu m'écoute.
- Quand je m'entends ainsi, Dieu me parle.
Marcel Légaut.
La seconde formule insiste sur la profondeur et l'intensité de l'adhésion que l'homme peut donner à une parole qui l'exprime justement et totalement. Elle insiste sur la stabilité de cette appropriation qui permet à cette formule de ne pas subir l'usure de langage.
- Quand la parole est juste,
elle engendre la prière.
Elle ouvre sur soi-même
et sur Dieu.
Elle fait monter la présence.
- Qu'elle est douce à mes lèvres !
Elle résonne en mon coeur.
Je fais corps avec elle
tant je lui porte écho.
Toujours nouvelle
la redire
m'appelle à être,
appelle Dieu en moi
Marcel Légaut
"Tout tourné alors vers la recherche du sens de ma vie, et déjà sollicité par ce sens encore inconnu de moi -je savais surtout ce que je ne voulais pas me borner à être- , à la lumière de celui qu'était pour moi M. Portal, -ce qui se situait bien au-delà de ce qu'il disait et faisait-, grâce à sa présence en moi, l'Evangile ne fut plus à mes yeux seulement une ligne de conduite, une doctrine de sagesse, ni même la profession de foi de l'Eglise naissante, toutes choses auxquelles il me suffisait d'adhérer et qui seraient ainsi les agents, les garants de ma vie chrétienne. Ainsi se trouva allègrement dépassée la manière littérale de recevoir le Nouveau Testament comme "parole d'Evangile", quoique cette manière fût encore la seule communément pratiquée en ces temps où les résultats exégétiques restaient des arcanes réservées aux spécialistes. Peu à peu un esprit global se dégagea de la fréquentation des Ecritures qui, en retour, donnaient à certains passages et lors de certaines heures une portée telle que ce qui était écrit, affirmé, rejoignait ce que j'avais vécu, ce que j'avais à vivre concrètement aujourd'hui, et encore ce que je pressentais avoir à connaître demain. En particulier une interpellation singulièrement directe surgissait des textes, ou étaient mises en évidence et comme exaltées les ténacités et les souffrances que devait connaître le disciple pour être fidèle au Maître."
Marcel Légaut.
Jésus vivant ...
Pour des raisons que je ne puis davantage préciser, ni même seulement me
dire, parce que certainement ce ne sont pas seulement des "raisons", par une
sorte d'irradiation spirituelle issue de M. Portal mais qui avait en moi un terrain
préparé sans doute de longue date, très vite Jésus m'est
apparu comme l'homme ayant accompli avec une perfection et dans une totalité uniques ce
qu'il était humainement en puissance de devenir, beaucoup plus que comme le Dieu venu sur
terre qui s'est fait homme pour nous enseigner les voies qui conduisent à son Père, et
"nous racheter par les mérites de sa passion et de sa croix".
Pour moi, Jésus est d'abord, si on sait l'accueillir à ce niveau, le révélateur de ce que chacun de nous a à devenir pour être
totalement soi-même. C'est ainsi que Jésus est révélateur de Dieu. Il est
révélation de Dieu car en lui correspondant il nous rend capable de découvrir à
longueur de vie, à sa suite et sous le rayonnement de sa présence, l'action de Dieu en
nous à travers les exigences et les appels intérieurs que nous ressentons, dans les
épanouissements et les fécondités qui caractérisent l'exercice de la mission, dans
l'unification de nous-mêmes qui porte sur les tendances et les périodes très diverses
de la vie.
Marcel Légaut.
"La grande question, au vrai l'unique question : qui êtes-vous Jésus, que tant d'hommes ont aimé, que tant d'autres ont haï lorsque vous étiez parmi nous, au point que les uns ont été conduits à vous adorer, que les autres vous ont condamné et crucifié. Qui êtes-vous, Seigneur, que j'aime comme si aujourd'hui, ici, humainement, vous m'étiez présent ?"...
Marcel Légaut.
"C'est encore parce que j'ai découvert que pour devenir plus totalement
chrétien - et n'est-ce pas une nécessité pour le rester réellement même dans les
conditions extérieure les plus favorables ? - il me fallait,
sans renier la piété que j'avais connue au début de ce siècle encore de chrétienté,
la purifier de ce que cette piété, vécue depuis le début de l'ère chrétienne,
présentait de puéril bien qu'elle ait été pratiquée d'une façon fervente, mais aussi
trop souvent sclérosée, pendant de nombreux siècles. Il me fallait avoir la
lucidité et le courage de reconnaître ce en quoi une telle manière de vivre s'opposait
aux connaissances de tous ordres désormais acquises, ainsi qu'aux exigences modernes, et
en un certain sens nouvelles, de l'authenticité humaine.
N'est-ce pas nécessaire pour que, devenus adultes dans la foi chrétienne autant que
cela nous est possible aujourd'hui, nous sachions accueillir de
la Tradition chrétienne ce qu'elle a à nous apporter d'original et d'unique dans l'ordre
du spirituel, pour que nous sachions inversement la prendre en charge dans la mesure de
nos moyens, afin de pouvoir, à notre place, la transmettre de façon féconde aux
générations qui nous succèderont ?"
Marcel Légaut.
Être passionné et patient ? Ce n'est pas incompatible. La passion demande beaucoup de patience, parce qu'autrement c'est de l'impatience. La patience n'est pas la passivité. Celui qui a suffisamment vécu dans la fidélité et s'est suffisamment approché du don total découvre à la longue l'exactitude des choix qu'il a été conduit à faire et dont il ignorait au départ la portée, comme il ne savait pas l'importance des conséquences que cela impliquait. Sa présence alors peut encourager celui qui n'a pas encore reçu cette confirmation de sa propre vie. C'est une réalité bien mystérieuse que la présence! Elle livre la totalité de l'homme à celui qui sait la recevoir au niveau de ce qu'il est, sans que ni l'un ni l'autre puissent en avoir pleine conscience. J'espère être cet homme pour mes enfants.
Marcel Légaut.
La vieillesse est une réalité fondamentale que l'on découvre
progressivement à mesure que l'on a soi-même la possibilité ou la nécessité de la
vivre. Alors on découvre la solitude fondamentale. Nous naissons seuls, nous mourons
seuls, en vérité nous vivons seuls, mais nous en prenons plus ou moins vigoureusement
conscience suivant les âges de la vie. ... La vieillesse est l'âge des fruits. ... La
vieillesse c'est à la fois un fruit pour moi, mais aussi un fruit pour les autres.
D'ailleurs tout fruit comme toute joie a besoin d'être partagé pour exister. ... Il y a
actuellement, dans la réalité concrète de notre époque, des possibilités pour les
vieux de dire aux jeunes des choses que nous aurions aimé entendre des vieux lorsque nous
étions nous-mêmes jeunes. Il y a une transparence qui peut exister maintenant entre les
vieux et les jeunes et qui n'existait pas jadis. ... Eveiller chacun selon ses
potentialités, ses possibilités et sa fidélité aussi, à une réalité fondamentale
qui s'efforce de naître en lui et qui, dans une certaine mesure, a besoin de lui pour
exister, voilà un fruit qu'un vieux peut offrir à un jeune.
J'ai une vieillesse facile à porter jusqu'à présent mais il est important, dans
toute vieillesse, facile ou pas de n'abandonner une activité que lorsqu'on y est obligé,
parce qu'à l'âge de la vieillesse tout abandon est définitif. Il ne faut pas abandonner
avant l'heure ce qui correspond aux possibilités. ...
La vieillesse c'est l'âge où on est acculé à la foi
nue, en prenant le mot "foi" dans un sens beaucoup plus large qu'une foi
confessionnelle. C'est la grandeur de l'homme de se poser des questions insolubles et d'en
vivre.
Marcel Légaut.
... puis berger, puis nomade...
"... il y a quelque chose en nous qui s'impose à nous du dedans - qui
peut être provoqué par le dehors - mais qui fait que d'une certaine manière je dois y
correspondre avec tout ce que je suis, autant que j'en dispose. C'est une exigence de ce
genre qui me fait émerger dans ma singularité. Non pas que j'aime être singulier,...,
mais le fait que chacun d'entre nous de par sa souche, par son histoire personnelle, a
évidemment une potentialité de singularité qui se développe à mesure qu'il y
correspond davantage.
Si je coresponds à ce démarrage, les exigences ultérieures se trouvent préparées
dans la mesure où j'aurai correspondu aux précédentes. Par conséquent, si je suis
suffisamment spirituel et attentif, fidèle, ma vie va être petit à petit jalonnée par
des exigences intérieures auxquelles je dois correspondre par une activité créatrice
qui n'est pas la simple conséquence de livres de moralité... Ce jalonnement où il y a
de temps en temps une exigence importante suivie d'une activité créatrice qui permet d'y
correspondre, c'est ce que j'appelle la mission. C'est au niveau de la
mission que la vie spirituelle s'épanouit et met en exercice toutes les potentialités
encore inconnues, secrètement en préparation dans le passé et qui petit à petit
prennent par le fait même de ce cheminement l'occasion de s'actualiser, de se
développer, et ainsi de suite. De sorte qu'à la fin de la vie, si j'ose parler des
choses que je n'ai pas encore vécues, l'unité de la vie se manifeste à travers
l'extrême diversité des situations, des exigences qui sont apparues tout au long de
l'histoire. C'est pour cela que je ne suis pas du tout ennuyé d'avoir été d'abord
professeur d'université, puis berger, puis conférencier nomade. Je ne sais pas ce qui
arrivera ..."
Marcel Légaut.
"La mort c'est le mystère. En vivant ce que je dois vivre avec une prise de conscience en profondeur de ce que je suis, avec des exigences intérieures qui me sont propres, je m'avance, je m'approche du seuil qu'est la mort. Toute perspective autre est extérieure et déjà superstitieuse. Tout ce qui est dit d'une préparation à la mort, ce sont des imageries à dépasser... On ne vit pas pour se préparer à la mort, mais c'est en vivant vraiment ce que l'on est appelé à vivre que l'on est prêt à la mort."
Marcel Légaut.
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